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RLPi de Grenoble-Alpes-métropole : une énorme responsabilité à l’échelle planétaire

23.05.2019

Communiqué de Paysages de France
Association agréée dans le cadre national au titre du Code de l'environnement, 
indépendante des pouvoirs économique et politique

 

Porte-parole de Paysages de France : 06 82 76 55 84

 

Vendredi 24 mai le Conseil métropolitain devra se prononcer sur le projet de règlement local de publicité intercommunal de Grenoble-Alpes-Métropole.

 Un véritable défi et une énorme responsabilité pour nos élus, et ce pour deux raisons notamment :

• Alors que Grenoble est devenue aux yeux du monde un laboratoire de la transition écologique et de la lutte contre les ravages de la publicité extérieure, certaines mesures, si elles devaient être maintenues, seraient aussitôt instrumentalisées dans le monde entier par les afficheurs, les pollueurs et les destructeurs de la planète ;

 • Ce projet, « accompagné » par le bureau d’études Even Conseil, comporte d’invraisemblables lacunes, dont les élu(e)s n’ont pas été informé(e)smais qui auraient pour effet d’autoriser de facto le pire ou le n’importe quoi.

 I – Élu(e)s de la métropole grenobloise : une énorme responsabilité à l’échelle planétaire

 Grenoble est perçue aux yeux de la France et du monde comme un laboratoire et une « capitale » de la transition écologique. Comme celle qui montre la voie et qui sert de modèle. C’est un fait.

Tout ce qui s’y passe est scruté à la loupe.

 Le loup dans le bergerie

Or le projet de RLPi prévoit ni plus ni moins d’autoriser massivement la publicité sur les trottoirs : 1 100 publicités (!), qui plus est lumineuses et même numériques.

Et cela au profit de l’afficheur Decaux avec lequel un contrat a été signé.

Bref, une formidable caution, une carte de visite en or pour le n°1 mondial de l’affichage publicitaire jusque sur les voies publiques elles-mêmes !

 Alors que la planète brûle

De quoi faire bondir quiconque réfléchit un instant aux enjeux.

La planète brûle, on nous le répète jour après jour.

Et l’on ne trouverait rien de mieux à faire que d’installer plus de 1 000 publicité éclairées sur les voies publiques d’une métropole qui pourrait, sinon, continuer à s’enorgueillir d’être un symbole de la transition écologique ?

Ce serait donc la métropole elle-même qui autoriserait le déploiement sur « ses » trottoirs de 1 100 publicités s’ajoutant à celles autorisées sur le domaine privé ?

Qui autoriserait sur « ses » trottoirs, c’est-à-dire là où on ne peut pas l’éviter, le harcèlement publicitaire, cette continuelle incitation à consommer toujours plus, et donc à polluer encore plus et à détruire davantage encore les ressources de la planète ?

Cela alors que, bien évidemment, toute collectivité se doit d’être exemplaire en la matière.

Comment en effet demander aux citoyens d’agir au quotidien par de multiples gestes et d’accepter les contraintes qu’impose l’urgence écologique, si, dans le même temps, la collectivité donne un contre-exemple aussi ostentatoire de ce qu’il convient en toute logique de faire ?

 Fer de lance des publicitaires

Et si elle autorise même ce fer de lance des publicitaires que sont les publicités numériques ? Ces publicités qui sont les plus intrusives, les plus dispendieuses, celles qui trouent le ciel nocturne et s’imposent le plus au regard, celles qui sont le symbole de l’agression publicitaire, du gaspillage énergétique, de la pollution du ciel nocturne, de l’artificialisation de l’environnement et qui sont le plus accidentogènes ? Un comble puisque cela reviendrait à faire de la collectivité celle qui s’arroge le droit de faire ce qu’elle-même reconnaît qu’il ne faut pas faire puisque qu’elle interdit le numérique sur tout autre support que le mobilier urbain…

 Effet papillon, pour le pire

Bref, l’effet papillon dans toute son horreur puisque « même Grenoble » (Cf. la célèbre question d’Edward Lorentz : « Le battement d'ailes d'un papillon au Brésil peut-il provoquer une tornade au Texas ? » Et une décision apparemment anodine, mais qui serait d’une telle force symbolique qu’elle serait une catastrophe écologique à l’échelle planétaire.

La responsabilité qui pèse sur les épaules des conseillères et conseillers de Grenoble-Alpes-Métropole est donc énorme ! Il faut trouver une solution !

II – Un projet bâclé, des élus désinformés ?

 La marque de décisions fortes voulues par les élu(e)s

La présentation en ligne du projet peut faire illusion. Elle est claire, illustrée, apparemment facile à lire et apparemment pertinente.

 On y retrouve notamment la marque de décisions fortes voulues par les élu(e)s.

 Il en est ainsi du format des publicités murales, limitées, hormis à Fontaine qui s’accroche à son ancien RLP, à 4 m2 sur l’ensemble du territoire de la métropole.

 C’est doublement positif. En effet, ce format est incontestablement plus « supportable » que celui des énormes panneaux de 8 m2 voire de 12m2 de triste réputation.

Il permet de donner, du moins s’agissant des publicités murales, une cohérence au futur règlement.

Et surtout, sur ce point (publicités murales), d’assurer à tous les habitants de la métropole un même niveau de protection de leur cadre de vie et de leur environnement, et de tendre ainsi vers le respect du principe d’équité, un principe sacro-saint qui devrait pourtant s’imposer d’office dans tout projet de RLP.

 Des élus désinformés ?

Cependant, derrière ces bonnes intentions et cette bonne décision, il y a, outre le problème de la publicité sur mobilier urbain, tout ce qui ne va absolument pas dans ce projet.

 Car, si les élus se sont en effet impliqués comme en témoigne en particulier cette décision, force est de constater que nombre de mesures envisagées dans le projet ne sont que la transcription, parfois à la virgule près, de celles déclinées par un bureau d’études qui reproduit d’un projet à l’autre les mêmes schémas, la même logique, les même recettes toutes faites.

 Réglementation bafouée

Et qui oublie un peu trop de signaler aux élu(e)s que des implantations illégales et pourtant ostentatoires, notamment en matière d’enseignes, continuent à se faire aujourd’hui encore, avec obstination, notamment le long d’axes majeurs telle l’avenue Gabriel-Péri à Saint-Martin-d’Hères.

Absence de plan de zonage

Aucun plan de zonage n’a été jusqu’à présent communiqué. Comment prendre un décision et voter lorsqu’on ne peut même pas identifier de façon claire les différentes zones et les mesures censées s’y appliquer ? C’est plus qu’une lacune, c’est une faute.

Déconstruction de mesures de protection

La ZP1 englobe les « cœurs historiques » et notamment les lieux où, en vertu des dispositions de l’article L581-8 du Code l’environnement, toute publicité est normalement interdite (Sites patrimoniaux remarquables, abords des monuments historiques notamment). Or le cabinet d’études a proposé, comme il le fait systématiquement, de déroger à ladite interdiction et donc de déconstruire une protection dont bénéficient sinon de tels lieux.

 Les élus métropolitains ont-ils été clairement informés de cette remise en cause d’une protection instaurée par le Code de l’environnement ?

 Un mode de calcul de la surface des publicités trompeur et que cherchent à imposer les afficheurs

Nulle part est indiqué, dans les documents communiqués, que la surface mentionnée concernait l’affiche, mais pas l’encadrement, sauf dans les 22 communes de moins de 10 000 habitants ne faisant pas partie de l’unité urbaine de Grenoble (selon le critère INSEE) mais faisant partie de la métropole, communes où les publicités ne peuvent excéder, en application du Code de l’environnement, 4m2 encadrement compris.

Pourtant, interrogé par Paysages de France lors de la réunion des PPA du 7 mai 2019, le cabinet Even Conseil a confirmé oralement que tel était bien le cas.

 Or cette proposition, qui méconnaît là la fois la lettre et l’esprit de l’article L581-3 du Code de l’environnement :

• Est incohérente, puisque, selon que l’on sera dans l’une de ces 22 communes ou dans l’une des 27 autres, la surface des panneaux ne sera pas la même ;

• Trompe sur la portée exacte de la mesure annoncée ;

• Complique la lisibilité du règlement ;

• Complique son application puisqu’il serait alors nécessaire de vérifier chaque fois dans quelle catégorie de commune on se trouve.

 En agissant de la sorte et en n’informant pas clairement les élus, le cabinet conseil joue un rôle pour le moins ambigu et ne fait que servir de relais au lobby des afficheurs, lequel s’efforce d’arracher partout ce mode de calcul.

 Zones d’activités, zones poubelles

Systématiquement aussi, selon sa « logique », le cabinet Even estime que les zones dites d’activités sont des zones où on peut se « lâcher ». C’est déjà moche, donc allons-y.

 Or une telle approche va très exactement à l’inverse de tout ce qu’il convient de faire pour dépolluer ces zones, lesquelles sont le symbole même de cette « France moche » qui a défrayé et défraie régulièrement la chronique.

Ainsi, alors qu’il faut précisément penser autrement ces espaces sacrifiés, les verdir, les réinsérer dans l’urbanité et les « humaniser », le cabinet Even propose, comme à son habitude, d’y autoriser ce que l’on interdit ou limite ailleurs : des panneaux publicitaires sur le domaine privé plus grands et scellés au sol, des publicités et des enseignes numériques, des enseignes géantes sur façades et même des enseignes sur toitures malgré le contexte spécifique local que constitue l’écrin alpin.

 Disparités entre quartiers : les administrés de la ZP2 lourdement pénalisés

Il ne faut surtout pas croire que le principe d’égalité entre habitants d’un même territoire serait respecté, même si le principe de l’adoption d’un format théorique unique de 4m2 pour les panneaux publicitaires muraux a été décidé par les élu(e)s.

 En effet, si votre commune est située en ZP2, mais compte plus de 10 000 habitants (et encore, cela reste extrêmement flou) vous aurez droit à des panneaux scellés au sol de 4 m2, lumineux bien sûr, et de 6 mètres de hauteur sur le domaine privé ! Plus, sur vos trottoirs, des publicités de 4m2 et de 6 m de hauteur également ! Et, cerise sur le panneau, toujours sur les trottoirs, des publicités numériques.

 Par contre, si vous habitez en ZP8, votre environnement ne sera gâché ni par des publicités murales, ni par des publicités scellées au sol, sauf sur les trottoirs, mais de 2m2 maximum…

Quelles règles de densité ?

Hormis en ZP7, où s’appliqueraient des règles précises, rien n’est dit concernant les autres zones. Ce qui signifierait que n’est actuellement prévu aucun renforcement des règles nationales applicables en l’absence de RLP(i).

D’énormes lacunes

On a du mal à croire que c’est possible tant elles sont importantes et nombreuses. Et relèvent purement et simplement du défaut de conseil.

 Alors que le cabinet Even manie avec une habileté certaine la novlangue et les concepts en cour dans le milieu des bureaux d’études, son silence concernant des points pourtant aussi cruciaux n’en est que plus sidérant.

 C’est ainsi que, sauf preuve du contraire, le projet de règlement ne dit rien sur :

1. Les publicités lumineuses sur toitures, qui peuvent atteindre 6 m de hauteur et 60 m2 ;

2. Les bâches publicitaires (3 catégories en tout), qui par définition, peuvent atteindre des centaines de mètres carrés, voire plus, car elles ne sont pas limitées en surface, sauf par celle du support sur lesquels elles sont apposées ;

3. Les enseignes sur clôtures, aveugles ou non, qui sont pourtant une cause bien connue de la dégradation de certains lieux et alors que, dans la quasi-totalité des RLP(i), les mesures appropriées sont prises ;

4. Les enseignes scellées au sol ou posées directement sur le sol de 1m2 ou moins, que le Code de l’environnement ne limite pas en nombre, qui prolifèrent souvent et permettent de contourner les règles nationales applicables aux enseignes de plus de 1m2, qui elles sont limitées en nombre ;

5. Les enseignes temporaires, qui pourtant permettent de recouvrir la totalité des façades d’un bâtiment commercial pour une durée pouvant aller jusqu’à trois mois…

 Or, ne rien dire, c’est, par définition, automatiquement et nécessairement les admettre tout court ou les admettre sans frein aucun puisque tous les points de la réglementation nationale qui ne sont pas expressément modifiés par le règlement local restent applicables de plein droit.

 Concertation

Certes, l’association Paysages de France a été invitée (à sa demande expresse) à plusieurs réunions.

Pour autant, la façon dont s’est déroulée la concertation laisse parfois perplexe. Force est de constater, par exemple, que chaque fois que l’association a tenté d’aborder les problèmes de fond, escamotés par le cabinet d’études, et d’interrompre pour cela les présentations à grande vitesse des mesures envisagées, il a bien fallu comprendre, ainsi que se sont empressés de le dire les afficheurs, que ce n’était ni le sujet, ni le lieu.

De même, lorsque l’association a évoqué les problèmes posés par le mode de calcul de la surface des publicités, le cabinet Even s’est contenté de camper sur sa position, sans pouvoir au demeurant, la justifier.

 Appel aux élu(e)s

Paysages de France, qui représente également l’association nationale Sites & Monuments, lance donc un appel aux élu(e)s de la métropole : l’enjeu est énorme, la planète vous regarde, soyez à la hauteur de ce rendez-vous « historique » et demandez que l’arrêt du projet soit reporté afin que l’on voie comment le sauver. Même le contrat avec l’afficheur Decaux peut faire l’objet de décisions n’entrant en vigueur qu’à terme : cela s’est déjà fait, à Paris notamment.

Faites en sorte que la métropole de Grenoble continue à mériter le titre de capitale de la transition écologique, de cité innovante et d’avant-garde en la matière.

Faites qu’elle reste celle qui montre la voie et relève les défis d’aujourd’hui…