22.12.2020
Communiqué des associations Paysages de France et Sites & monuments
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Samedi 19 décembre, les membres du conseil municipal de Nîmes ont « arrêté » le projet de règlement de publicité.
Le problème, c’est que tout ou presque dans ce projet, concocté pour l’essentiel par le cabinet Even, va à l’envers de tout ce qu’il faut faire, cela alors même que les dispositions actuellement en vigueur restent massivement bafouées.
La réglementation actuellement en vigueur massivement bafouée (1)
À Nîmes, depuis le 13 juillet 2015, de nombreux panneaux publicitaires, et, depuis le 1er juillet 2018, de nombreuses enseignes (des grandes chaînes commerciales essentiellement) enfreignent en toute impunité plusieurs des dispositions du Code de l’environnement issues de la loi « portant engagement national pour l’environnement », dite « Grenelle ».
De même, le caractère « accessoire » de la publicité sur mobilier urbain (article R.581-47 du Code de l’environnement) est très loin d’être respecté.
Et un nouveau règlement qui irait à l’envers de tout ce qu’il faut faire ?
Les axes majeurs et les entrées de la ville livrés aux afficheurs, autrement dit aux pollueurs ?
Alors que les axes majeurs sont des vitrines de la ville, que tout le monde y passe et que, partant, ils font partie des paysages les plus parcourus et donc les plus vus, le projet propose de continuer à autoriser les afficheurs à en faire des couloirs publicitaires, à coup de panneaux muraux et scellés au sol de grand format (les pires, de vraies constructions), qui plus est, lumineux et motorisés.
Le comble est que le cabinet Even propose, comme il le fait systématiquement, de créer pour ces axes majeurs deux zones spécifiques, l’une constituée par les voies et entrées de ville dites « secondaires », l’autre par ce qu’il appelle cette fois-ci les « traversées urbaines principales ». Résultat : un territoire éclaté, parcouru de tentacules publicitaires tronçonnant les autres zones, notamment celles qui n’intéressent pas les afficheurs (ZP7).
Et comme si cela ne suffisait pas, on y autoriserait aussi des publicités géantes (bâches publicitaires), nouvelle folie inventée par les afficheurs et interdites jusqu’alors, dispositifs que le projet propose d’admettre quasiment en tout lieu, cela dans une ville candidate au label UNESCO ! (2)
Enfin et surtout, sur le domaine public et les trottoirs, les « traversées urbaines principales » seraient ponctuées de publicités numériques scellées au sol (prétendument de 6 m2, ce qui est déjà énorme s’agissant de ce genre de panneaux, mais de 8 m2 en réalité), dispositifs qui sont tout à la fois extrêmement "agressifs", notamment à certaines heures, et "énergivores".
Le domaine public et les voies publiques (trottoirs), livrés à la publicité et à ses effets destructeurs ?
Plus que jamais aujourd’hui, l’urgence est d’arrêter le gaspillage énergétique. Plus encore, de mettre fin au harcèlement publicitaire dans l’espace public (on ne peut ni « zapper » ni tourner la page…), autrement dit à l’appel continuel à consommer, raison d’être de la publicité, mais accélérateur majeur de la surchauffe climatique et de la destruction des ressources de la planète.
Or le projet prévoit l’installation massive de panneaux publicitaires sur les voies publiques et les trottoirs (3). Qui plus est, numériques.
Un tel parti pris reviendrait à prendre des mesures allant à l’inverse de celles qu’une collectivité se doit de prendre en la matière.
Ainsi, hormis en ZP1 (« Centre historique »), qui ne représente qu’une partie minime du territoire de la ville de Nîmes, ces publicités sur trottoirs seraient admises partout, sans la moindre règle de densité et limite de nombre !
Publicités numériques interdites à Paris, mais autorisées massivement à Nîmes, qui plus est sur le domaine public ?
Alors que les publicités numériques sont interdites à Paris, à Nîmes non seulement elles seraient admises, mais la collectivité se réserverait l’exclusivité de ce procédé, le plus nuisible pourtant, et donnerait ainsi l’exact contre-exemple des réponses que, face au défi climatique notamment, se doit d’apporter sur ce plan toute collectivité responsable.
Sur les trottoirs des secteurs qu’il convient de réhabiliter, des panneaux plus de 5 fois plus grands qu’à Paris ?
Le projet apparaît d’autant plus irrecevable en l’état qu’il va jusqu’à prévoir, dans des lieux (4) dont le cabinet prétend ainsi « améliorer la qualité » (sic) et ainsi que dans ceux, tentaculaires, des « zones économiques », qu’il convient pourtant de réhabiliter, l’installation de publicités d’une surface de 4 à 5 fois supérieure selon la zone à celle autorisée à Paris (2m2)…
Les protections instaurées par le Code de l’environnement : démantelées ?
L’une des premières mesures envisagées et promues par le cabinet en question est qu’un RLP, ça ne sert pas forcément à améliorer la situation, mais au contraire à l’aggraver !
La preuve ? Le projet prévoit ni plus ni moins de faire voler en éclat l’une des protections majeures instaurées par le Code de l’environnement en faveur de la protection du patrimoine architectural et urbain.
En effet, l’article L.581-8 du Code de l’environnement pose le principe de l’interdiction de la publicité dans des lieux qu’il mentionne explicitement. Or que prévoit ledit projet ? Il propose d’emblée de déroger systématiquement à cette interdiction. Et donc, non pas de protéger les secteurs concernés de la ville, mais d’y autoriser une pollution dont ces derniers seraient, en l’absence de mesure contraires prise dans le cadre du futur règlement local, de facto épargnés.
Un tel parti pris, déjà particulièrement choquant en soi, l’est encore davantage s’agissant d’une ville candidate au label « Patrimoine mondial ». Et prend l’allure d’un tour de passe-passe d’autant plus trompeur que tout le monde ou presque pense (logiquement) qu’un RLP a pour effet de réduire la publicité, certainement pas de l’autoriser là où elle est normalement interdite (5).
Un projet qui se propose de morceler le territoire et d’instaurer un régime discriminatoire ?
Le projet prévoit de créer pas moins de sept zones, une « folie » à tous points de vue au regard des effets d’un tel parti pris.
Une telle façon de procéder, consistant entre autres à créer deux zones constituées d’une pluralité d’axes traversant de part en part d’autres zones, provoquerait également des ruptures et des disparités fortes entre les différentes composantes du territoire et à l’intérieur de ces dernières ;
Le projet instaurerait de ce fait un véritable régime discriminatoire, notamment à l’encontre des personnes qui habitent le long et à proximité des axes en question, cela alors que le principe d’équité demande que les habitants d’un même territoire bénéficient de règles assurant à tous un même niveau de protection de leur cadre de vie et de leur environnement, à tout le moins que les écarts soient les plus réduits possibles ;
Enfin, alors que les dispositions du Code de l’environnement sont déjà d’une grande complexité, un tel nombre de zones ne ferait que compliquer à l’envi la lecture du règlement au point de le rendre opaque pour la plupart et, partant, d’autant plus difficilement applicable ;
Cela d’autant plus que le cabinet Even va jusqu’à proposer des modes de calcul différents de la surface des publicités selon le type de publicité, ce qui ne peut qu’embrouiller davantage encore les choses et…satisfaire les afficheurs.
Label UNESCO, allo, maman, bobo
La contradiction entre, d’un côté, la sollicitation d’un tel « label » et, de l’autre, la pollution programmée des entrées de la ville et de ses axes majeurs, et, plus encore, la déconstruction envisagée des mesures de protection du patrimoine instaurées par le Code de l’environnement est telle qu’il serait illusoire de penser que l’on peut impunément procéder de cette manière.
La porte reste cependant ouverte
Il est donc parfaitement clair que le projet de RLP « arrêté » samedi 19 décembre 2020 par le conseil municipal ne peut rester en l’état.
Certes, le projet a été « arrêté ». Mais rien, heureusement, n’empêche de le faire évoluer et de réparer les dégâts : les services de l’État notamment, les associations agréées qui ont demandé à être consultées vont donner leur avis et restent à la disposition des élus. Suivra l’avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS). Enfin, le projet sera soumis à enquête publique.
Restera alors aux élus de Nîmes à modifier le projet concocté par le cabinet d’études sur lequel la mairie s’est reposée mais dont la logique nuit gravement à l’environnement et à l’image de la ville, met à mal le principe d’équité et compromet le label que convoite la ville.
À défaut, Nîmes deviendrait un malheureux symbole de tout ce qu’il ne faut pas faire en la matière.
Et s’exposerait à des demandes immédiates et sans porte de sortie possible s’agissant notamment des très nombreux dispositifs en infraction depuis 2015 et 2018.
(1) Nîmes disposant d’un RLP, le pouvoir de police spéciale de la publicité est du ressort du maire. Le préfet ne peut agir en lieu et place du maire qu’en en cas de défaillance de ce dernier.
(2) Dans les autres zones, seuls seraient « épargnés », et uniquement en partie, les secteurs mentionnés à l’article L.581-8 du Code de l’environnement !
(3) Solution présentée par le cabinet Even, qui escamote systématiquement les questions de fond, comme sans conséquences et « allant de soi ». Concernant par exemple la ZP2, « Espaces protégés aux abords du centre historique + Avenue J. Jaurès », le cabinet décrète carrément que les « boulevards routiers structurants » (sic) ont des « usages spécifiques nécessitant (sic) du mobilier urbain (support de publicité) ». On ne peut mieux dire s’agissant du parti pris dont fait preuve ce cabinet.
(4) « Entrées de ville » et « Traversées urbaines principales ».
(5) Le projet est d’autant plus trompeur également que certaines mesures issues du Code de l’environnement, telle que l’interdiction de la publicité « sur pont ferroviaire », sont présentées comme ayant été instaurées par le RLP alors qu’il n’en est rien.