23.01.2021
Communiqué de Paysages de France
Association agréée dans le cadre national au titre du Code de l'environnement,
indépendante des pouvoirs économique et politique
Contact : 06 82 76 55 84
Les demandes de la Convention citoyenne pour le climat ont purement et simplement été détournées par le gouvernement au profit des afficheurs.
En effet, un véritable cavalier législatif, rêve des afficheurs et cauchemar des défenseurs de l’environnement, est venu polluer le projet de loi censé transcrire les demandes de la Convention en la matière : dessaisir les préfets du pouvoir de police de la publicité
Cette mesure, sur la question pourtant extrêmement sensible de l’affichage publicitaire, ne peut être qualifiée autrement que de scélérate.
Car ce n’est pas une simple trahison : tout en se moquant ouvertement de la Convention citoyenne pour le climat, c’est faire le jeu des délinquants de l’environnement.
Certes, il est normal et souhaitable que le pouvoir de police de la publicité soit rendu à tous les maires, mais, il ne faut surtout pas qu’il soit ôté aux préfets. Autrement dit, il est indispensable de rétablir le « pouvoir concurrent » des maires et des préfets tel qu’il prévalait avant le Grenelle.
Le prétexte du gouvernement : « une meilleure prise en compte des réalités locales permettant aux maires de mener des actions adaptées à leur territoire notamment en termes de qualité de l'espace public et du cadre de vie. »
La vérité : le Code de l’environnement serait encore moins respecté et plus que jamais bafoué.
Pourquoi ?
Le rêve des afficheurs
Depuis des décennies les afficheurs n’ont qu’une idée en tête : que les préfets soient définitivement dessaisis de leur pouvoir de police de la publicité. Et du même coup que l’État, garant du respect des lois, soit mis hors-jeu…
Leur rêve : que seuls les maires disposent de ce pouvoir de police.
Et pour cause ! Car, contrairement à ce qui est faussement allégué dans le projet de loi, le maire n’est pas le mieux placé, très loin de là.
Photomontage © Paysages de France
Des maires qui ne voudront pas agir, et d’autres qui ne sauront le faire
Au contraire, car la position du maire est, très souvent, particulièrement inconfortable. Au point que, même lorsqu’il voudrait agir, souvent il renonce.
Le frein ? Ce sont justement les rapports de proximité qu’entretient naturellement le maire avec ses administrés comme avec les acteurs économiques exerçant leur activité sur le territoire de sa commune. Des relations qui sont incontestablement de nature à le dissuader d’agir. Car le maire peut estimer, non sans raisons, que le fait d’exercer sur son propre territoire un pouvoir somme toute répressif, peut le mettre en difficulté, y compris politiquement.
De plus, très souvent, notamment dans les « petites » communes, les maires ne maîtrisent pas la réglementation nationale : celle-ci est labyrinthique, pleine de chausse-trappes. Ils ne disposent d’aucun personnel formé pour effectuer un simple constat d’infraction. Et lorsqu’ils veulent agir, ils ont absolument besoin de l’aide des services de l’État.
Cela sans compter que la publicité et les enseignes sont considérées par nombre de maires comme une source de revenus :
- Dans le cadre de contrats de publicité sur mobilier urbain, car les afficheurs ne rêvent que d’une chose : signer justement des contrats avec les maires, qu’ils ne cessent donc de démarcher. Résultat : les trottoirs des villes de France sont en train de se couvrir de publicités, sans limites de nombre, toutes lumineuses, souvent numériques et jusque dans les lieux où toute publicité est normalement interdite par le Code de l’environnement !
- Par le biais aussi de la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE). Car polluer peut rapporter. Et, secret de polichinelle, il est clair que certains maires laissent volontairement prospérer en toute impunité des dispositifs irréguliers…
Dès lors, si c’est au maire et au maire seul que devait être confié le pouvoir de police de la publicité, on peut aisément imaginer la suite…
L’expérience de l’association Paysages de France, qui agit depuis près de trois décennies contre l’affichage publicitaire illégal, montre que :
- rares, voire très rares, sont les maires qui agissent spontanément sur le territoire de leur commune pour faire respecter les dispositions du Code de l’environnement en la matière ;
- même lorsqu’on leur demande de mettre fin à des infractions qu’ils ne contestent pas, beaucoup refusent d’agir ou gardent le silence.
Face à un tel constat, dessaisir le préfet de son pouvoir de police de la publicité aurait inéluctablement l’effet exactement inverse de celui que prétend viser le projet de loi du gouvernement.
Tout cela ne bénéficierait, pour l’essentiel, qu’aux publicitaires et aux délinquants de l’environnement.
Le rempart de l’État de droit
Face aux difficultés que peuvent rencontrer les maires des petites et moyennes communes qui veulent agir, l’aide des services de l’État est très souvent indispensable.
De plus, seule l’intervention de l’État peut libérer les maires de toutes les pressions qu’ils peuvent subir.
Seul, surtout, le pouvoir de police du préfet empêche que l’application de la réglementation ne soit pas le seul fait du « prince », autrement dit qu’elle soit respectée dans une commune mais bafouée dans la commune voisine.
Ce serait le principe même de l’égalité des citoyens devant la loi, en l’occurrence d’une loi destinée notamment à protéger leur cadre de vie, qui serait mis à mal.
Or le rôle joué en matière de police de la publicité par les services déconcentrés (DDT) peut se révéler déterminant pour faire respecter la loi, que ce soit à son initiative, à la demande d’un maire ou d’une d’association de défense de l’environnement.
Laisser à l’État le pouvoir de conduire des actions d’ampleur et cohérentes au service de l’image et du visage de la France
Dessaisir l’État du pouvoir de police exercé par les préfets signifierait la fin des actions d’ampleur : traiter des ensembles paysagers cohérents, adopter des plans ciblant les grands axes de circulation ou les secteurs touchés par le fléau de l’affichage illégal.
En effet, ce pouvoir de police de l’État, lorsque les préfets s’en saisissent, donne souvent de bons résultats. Cela grâce aux agents des DDT affectés dans les services “publicité”, agents disposant d’une réelle compétence et d’un sens du service public leur permettant d’avoir une vue globale à l’échelle d’un département. Or le transfert du pouvoir de police au maire aurait pour conséquence la fin annoncée des services dédiés à la publicité dans les DDT, la perte de compétences majeures d’agents qualifiés et dévoués et une application plus aléatoire que jamais et en définitive arbitraire d’un pan entier du Code de l’environnement.
Donner à tous les maires le pouvoir faire respecter la réglementation dans leur commune et laisser au préfet celui d’agir pour qu’elle ne reste pas bafouée
C’est pourquoi, l’association Paysages de France demande expressément que le maire et le préfet disposent d’un pouvoir dit « concurrent ».
Chaque maire de France voulant agir sur le territoire de sa commune en aura dès lors la possibilité.
Les préfets, quant à eux, pourront conduire des actions d’ensemble, mais aussi pallier la carence dont font preuve nombre de maires.