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Transfert de la police de la publicité aux maires : un premier bilan alarmant

30.06.2025

Il y a un an et demi, une réforme majeure entrait en vigueur : le pouvoir de police de la publicité, auparavant exercé par les préfets pour les communes dépourvues de règlement local, était transféré aux maires. Paysages de France avait vivement combattu ce projet, alertant sur son risque de fragiliser l'application de la loi. Où en est-on aujourd'hui ?

Une réforme aux motivations troubles

La loi Climat et Résilience du 22 août 2021 a officialisé ce transfert aux maires ou aux présidents d'intercommunalités à compter du 1er janvier 2024. Le gouvernement justifiait cette mesure par deux arguments : une prétendue demande de la Convention citoyenne pour le climat (affirmation pour le moins contestable !) et une supposée efficacité accrue, les élus locaux étant censés mieux connaître leur territoire que les services de l'État (en l'occurrence les directions départementales des territoires (DDT)).

Pourtant, derrière ces justifications se cachaient des raisons moins avouables :

  • Des économies budgétaires pour l'État, avec la suppression des services dédiés dans les DDT ;

  • Une esquive des condamnations judiciaires, les préfectures étant régulièrement attaquées – et perdantes – devant les tribunaux administratifs, notamment suite aux recours de Paysages de France contre leur inaction face aux publicités et enseignes illégales.

  • Une probable demande du lobby des afficheurs, espérant tirer profit de l'ignorance du Code de l'environnement par de nombreux élus locaux pour obtenir une plus grande impunité.Un échec prévisible

Lors de son combat contre le projet de loi, Paysages de France avait dénoncé les dangers de ce transfert : fragmenter une compétence jadis centralisée dans 101 départements pour la disperser parmi 34 955 communes ne pouvait qu’affaiblir son application.

19 mois après l'entrée en vigueur de la réforme, le constat est sans appel. La majorité des maires, déjà surchargés et peu formés sur ces enjeux, n’ont ni les capacités ni le temps de mettre la loi en application. Ainsi l’illégalité publicitaire prospère.

"Et si l'infraction était derrière vous ?" Dessin généré par IA

Des communes démunies face à leurs nouvelles responsabilités

Un transfert de compétences sans transfert de moyens

Avant la réforme, les (DDT) disposaient d’agents spécialisés pour contrôler et faire appliquer la réglementation. Mais dans la plupart des communes – sauf celles dotées d’un Règlement Local de Publicité (RLP) – ces compétences étaient inexistantes.

L’État avait promis un accompagnement transitoire par les préfectures et des formations pour les agents municipaux. Promesses non tenues, puisque les services dédiés des DDT ont été démantelés en quelques mois, sans transfert de savoir-faire et que les formations annoncées se font rares. 

Une mutualisation sabotée par les maires eux-mêmes

Initialement, la loi confiait la police de la publicité aux intercommunalités, solution logique permettant de mutualiser les moyens pour créer des postes dédiés.

Dans les faits, les maires ont massivement réclamé cette responsabilité, souvent par crainte de perdre encore un peu de leur pouvoir face aux intercommunalités. Mais en cette matière, les communes ont voulu jouer les chefs d'orchestre sans avoir les musiciens. Résultat : des milliers de communes isolées, sans personnel qualifié, doivent gérer des dossiers techniques et chronophages (vérifications sur place, courriers administratifs, enlèvements par les services communaux). D’autant plus que la majorité des petites communes n’ont que le maire et un secrétaire pour tout service administratif. Dans ces conditions, faire respecter la loi relève plus de la mission impossible que de l’action publique.

Un cadeau empoisonné… et un risque de conflits d’intérêts

Contrairement aux préfets, les élus locaux sont exposés aux pressions des annonceurs, des grandes enseignes et des commerçants – qui pèsent sur les élections.

Quel maire osera s’attaquer à une enseigne illégale si son propriétaire est un soutien local ?

Paysages de France en première ligne… face à l’indifférence de l’État

Face à ce désengagement, l’association a tenté de combler les lacunes en accompagnant les communes par :

  • la création d’un guide pratique détaillant les procédures de régularisation, à l’attention des communes ou EPCI.
  • un accompagnement individualisé dans le suivi des procédures pour les communes qui le souhaitent.
  • l’initiation d’une formation flash en mai 2025 par un référent publicité du ministère pour les communes ayant fait l’objet d’une demande de régularisation d’infractions de la part de Paysages de France.

Depuis janvier 2024, Paysages de France a signalé à 131 communes l’existence d’infractions à l’affichage publicitaire sur leur territoire, soit 1300 dispositifs recensés au total. 27 communes ont répondu positivement en supprimant ou régularisant plus de 250 dispositifs, soit un taux d’environ 20% de réussite.

 

En conclusion, le transfert de la police de la publicité aux maires, voulu par l’État sous couvert d’efficacité et de proximité, s’est révélé être une réforme délétère pour l’application du droit de l’environnement. Privés de moyens, mal formés et souvent isolés, les maires peinent à assumer cette compétence . Face à cette carence, Paysages de France s’est substituée à l’action publique en accompagnant les communes et en alertant sur les infractions. Plus que jamais, l’association  mène un combat obstiné, commune après commune, dans l'indifférence générale des gouvernements.