20.06.2025
Les paysages nocturnes, patrimoine commun de la nation
Article L.110-1 du Code de l’environnement
« Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sons et odeurs qui les caractérisent, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. »
La pollution lumineuse dénature le paysage nocturne
Les “mise-en-lumière” de bâtiments, de jardins, de publicités... dénaturent le paysage nocturne, elles nous privent des subtilités de monuments qu’on ne peut plus voir à la lueur de la lune ; elles nous privent de la vue de paysages étoilés. Il y a 50 ans, nous pouvions voir les étoiles lors d’une nuit sans nuages ; aujourd’hui, c’est un ciel laiteux et uniforme qui s’offre à nos yeux, presque invariablement sur 80% du territoire français.
Cette disparition des paysages nocturnes n’est pas la seule nuisance causée par la pollution lumineuse. Il ne faut pas oublier le gaspillage énergétique incompatible avec l'exigence de sobriété et de réduction de l'empreinte carbone, les atteintes à la biodiversité (perturbation du comportement des animaux ainsi que de leurs fonctions physiologiques et métaboliques, déclin massif des populations d'insectes), ou encore les dangers pour la santé humaine.
Une règlementation de plus en plus stricte
La loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages vise entre autres à protéger les paysages diurnes et nocturnes (au titre de la pollution lumineuse), en précisant que :
- les paysages nocturnes font partie du patrimoine commun de la nation (L.110-1 du Code de l’environnement).
- chacun doit veiller à la sauvegarde et contribuer à la protection de l’environnement, y compris nocturne. (L.110-2 du Code de l’environnement).
- constitue une pollution du milieu aquatique l’introduction directe ou indirecte de sources lumineuses d’origine anthropique (L. 219-8 du Code de l’environnement).
- les objectifs de qualité paysagère mentionnés à l’article L. 333-1 (parcs naturels régionaux) visent également à garantir la prévention des nuisances lumineuses définie à l’article L. 583-1.
L’ arrêté du 25 janvier 2013 va encadrer l’éclairage nocturne des bâtiments non résidentiels ainsi que celui des bureaux et vitrines qui y sont installés.
- Les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel sont éteints une heure après la fin de l'occupation de ces locaux.
- Les illuminations des façades des bâtiments sont éteintes au plus tard à 1 heure et ne peuvent être allumées avant le coucher du soleil.
- Les éclairages des vitrines de magasins de commerce ou d'exposition sont éteints au plus tard à 1 heure ou une heure après la fin de l'occupation de ces locaux si celle-ci intervient plus tardivement et peuvent être allumés à partir de 7 heures ou une heure avant le début de l'activité si celle-ci s'exerce plus tôt.
L’arrêté du 27 décembre 2018 relatif à la réduction des nuisances lumineuses va renforcer la réglementation.
- Il est interdit d’éclairer l’eau (à l’exception de certaines installations classées) et vers le ciel en général (à l’exception des “mises en lumière” qui ont une obligation d’extinction en milieu de nuit)
- La lumière intrusive est interdite (sur propriété privée, peu importe la source de lumière, écran numérique, illumination, publicité, éclairage public ou privé).
- L’éclairage des jardins publics doit être éteint entre 1 h après la fermeture et 1 h avant l’ouverture (s’ils ferment) et entre 1 h et 6 h du matin (s’ils restent ouverts toute la nuit).
- L'éclairage nocturne des publicités (images animées et images fixes), enseignes ou préenseignes lumineuses est interdit entre 1 h et 6 h du matin, sauf si le règlement local de publicité prescrit une période d’extinction supérieure.
- Les éclairages des bâtiments non résidentiels sont éteints au plus tard à 1 h du matin. Les éclairages intérieurs de locaux à usage professionnel sont éteints au plus tard une heure après la fin de leur occupation et allumés à 7 h du matin au plus tôt.
- Les vitrines de magasins doivent être éteintes de 1 h à 7 h du matin.
- Les parkings doivent être éteints 2h après la fin de l’activité, et peuvent être rallumés à partir de 7 h du matin.
- Les chantiers extérieurs doivent être éteints 1h après la fin de l’activité.
Températures de couleur maximum autorisées :
- Inférieur à 2400 K : autorisé partout, y compris hors agglomération, excepté quand l'éclairage est interdit (vers l'eau, le ciel)
- Jusqu’à 2700 K : autorisé en agglomération dans les cœurs des parcs nationaux
- Jusqu’à 3000 K : autorisé en zone urbanisée non protégée.
- Supérieur à 3000 K : interdit
Le décret du 5 octobre 2022 vise à harmoniser les règles d'extinction nocturne des publicités lumineuses.
Elles doivent être éteintes de 1 h à 6 h, y compris celles sur mobilier urbain (sauf pour les abris voyageurs en fonctionnement mais à condition, pour les écrans numériques, qu’ils diffusent uniquement des images fixes).
Cette obligation ne concerne pas les aéroports.
Mais des règles insuffisamment appliquées
Si la réglementation fixe un cadre et des limites relativement précises, leur application rencontre de réelles difficultés :
- Les autorités disposant du pouvoir de police (communes, préfectures...) manquent de moyens (difficile de faire contrôler des dispositifs lumineux au milieu de la nuit, en dehors des horaires de travail habituels). De plus, la plupart des maires sont peu enclins à sanctionner les commerçants de leur commune, des relais d’opinion qu’il s’agit de ne pas froisser.
- De nombreux commerçants, petites entreprises ou gestionnaires d'immeubles méconnaissent les règles visant à limiter la pollution lumineuse.
- Face à l’intense lobbying de fabricants de panneaux lumineux, les collectivités instaurant un règlement local de publicité sont souvent réticentes à augmenter drastiquement la période d’extinction nocturne des publicités et enseignes. De plus, les commerçants craignent une perte de visibilité ou d'attractivité, surtout dans les zones touristiques ou concurrentielles. De nombreuses enseignes lumineuses sont transformées en publicité puisqu’elles restent encore allumées en dehors des périodes d’ouverture de l’établissement.
- Certains maires utilisent encore l’argument éculé du nécessaire maintien de la sécurité publique pour refuser d’éteindre l’éclairage public en milieu de nuit.
- Enfin, malgré les enjeux écologiques (biodiversité, gaspillage énergétique, disparition des paysages nocturnes), la pollution lumineuse reste moins médiatisée que d'autres sujets environnementaux.
Ce n’est pas encore une priorité politique.
Que faire ?
- Demander au maire d’instaurer une période d’extinction nocturne de l’éclairage public.
- Laisser un avis sur la page Google des commerces ne respectant pas l’obligation d’extinction.
- Participer à l’élaboration d’un règlement local de publicité en demandant une période élargie d’extinction nocturne des publicités et l’extinction des enseignes en dehors des horaires d’ouverture au public.
- Participer à des campagnes symboliques de recouvrement de panneaux lumineux (voir Zéro watt pour la pub)
- Participer à l’opération « Sentinelles de la nuit » organisée par FNE
- Participer au « Jour de la Nuit » organisé par Agir pour l’environnement.
- Réaliser des relevés d’infraction avec Paysages de France
- S’informer sur la pollution lumineuse : collectif « Rallumons les étoiles », ou A.N.P.C.E.N. (Association nationale pour la protection du ciel et de l’environnement nocturnes).
Ci-dessous, quelques photos prises lors d’une sortie nocturne de la correspondante de Paysages de France à Metz (tout est en infraction au Code de l’environnement)
abri voyageur éclairé à 2 h 07
abri voyageur éclairé à 2 h 20
enseigne éclairée à 3 h 42
enseigne éclairée à 2 h 26
vitrine éclairée au milieu de la nuit
façade du lycée Louis Vincent, au milieu de la nuit, et son éclairage vers le ciel !